Détails du projet

Modélisation prospective des impacts environnementaux liée au démantèlement du CNPE de Fessenheim

Lauréat
APR 2020
État du projet
Clos
Porteur
Gaetana Quaranta
Participant
Maria Boltoeva
Unité
IPHC UMR 7178 - UNISTRA
Budget
14 000 EUR
Discipline(s)
Chimie
Mots-clés
Analyse du cycle de vie, CNPE, démantèlement, impact environnemental, modélisation prospective, déchets métalliques, recyclage

Le projet PostAtomVie s’est intéressé à l’évaluation des impacts environnementaux liés à la phase de fin de vie du CNPE de Fessenheim en quantifiant aussi bien l’écotoxicité aquatique que le réchauffement climatique. Une double approche méthodologique a été mise en place : analytique et de modélisation. L’approche analytique a consisté, après échantillonnage d’eau dans le Rhin et le Grand Canal d’Alsace, à des analyses par chromatographie ionique, par ICP-MS et ICP-AES ainsi que par scintillation liquide pour la quantification du Tritium. L’approche par modélisation a consisté en une modélisation prospective des impacts environnementaux pouvant être générés lors de la fin de vie du CNPE de Fessenheim. Cette modélisation a été réalisée par une Analyse du Cycle de Vie appliquée au démantèlement du CNPE. Un état des lieux de la qualité des eaux du Rhin et du GCA a été réalisé à un temps T0. Grâce à un suivi de 2018 à 202, nous avons démontré que certaines pollutions sont indépendantes du CNPE (Gd, Al, H3), que certains métaux ont été rejetés par le CNPE durant son fonctionnement (Ni, Fe, Cr, Cu) et que le CNPE n’a qu’une très faible part dans la pollution liée au Tritium (ce dernier étant le fait de l’industrie horlogère et de l’entretien des barrages hydrauliques). La modélisation a démontré que l’impact le plus important lors du démantèlement est la phase de démolition et plus particulièrement au découpage des métaux utilisant de l’acétylène.

Objectifs du projet et mise en contexte

Les impacts environnementaux liés au démantèlement des Centres Nucléaires de Production d’Électricité (CNPE) ont déjà suscité l’intérêt des chercheurs allemands, australien, canadien notamment pour évaluer les impacts liés aux émissions de CO2 et plus particulièrement pour quantifier la contribution du démantèlement au réchauffement climatique. Depuis la fermeture du Centre Nucléaire de Production d’Energie (CNPE) de Fessenheim en 2020, un intérêt particulier des chercheurs est d’établir un état de l’environnement (T0) à partir de la fermeture du CNPE. Implantée en bordure du Grand canal d’Alsace sur le territoire de la commune de Fessenheim (Haut-Rhin), le CNPE a été exploité de 1978 à 2020. Par décision politique, les deux réacteurs ont été définitivement arrêtés respectivement le 22 février 2020 et le 29 juin 2020. C’est dans un contexte d’évaluation de la pollution du Grand Canal d’Alsace (GCA) et du Rhin (depuis 2018 et jusqu’à l’arrêt de la production) que cette étude s’est intéressée d’une part au devenir et aux effets de certains composés (Ni, Co, Al, Zn, Cr, B, U, Fe, 3H) en utilisant une approche analytique. D’autre part il s’est agi d’élaborer une modélisation prospective du démantèlement du CNPE de Fessenheim en vue d’évaluer les impacts environnementaux générés par ce démantèlement.

Méthodologies

Afin d’évaluer et estimer les impacts environnementaux lors de cette dernière phase de la vie du CNPE de Fessenheim, il a été décidé d’utiliser la méthodologie de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV). Cette méthodologie est normalisée par l’ISO 14040 et ISO 14044, 2006 et révisée en 2020. (NF EN ISO14040. 2020 et NF EN ISO14044. 2020). L’ACV se conduit en quatre étapes :

  1. Définition des objectifs et champs de l’étude. Cette étape est la première phase de l’analyse de cycle de vie car elle permet de définir le but de l’ACV. Elle permet de poser les bases de l’étude, de définir la fonction du système et son unité fonctionnelle, ainsi que les limites spatiales et temporelles du système étudié.
  2. Analyse de l’inventaire. L’Inventaire du Cycle de Vie (ICV) est considéré comme l’étape la plus cruciale et la plus chronophage lors d’une ACV. Il s‘agit d’identifier et calculer les flux d’entrée et de sortie du système. Les données d’entrées (ou inputs) concernent les flux d’énergie (électricité, gaz, diesel, …) et de matière (eau, produit chimique, …). Les données de sorties (ou outputs) quantifient les émissions à l’atmosphère, les rejets aquatiques, les déchets et les produits finis et co-produits.
  3. Évaluation de l’impact. Durant cette étape les données d’inventaires (facteurs d’impact) sont caractérisées en termes de contributeurs à différentes catégories d’impact. Les impacts (mid-point) sont quantifiés ainsi que les dommages (end-point). Différentes méthodes de calculs existent au sein de différents logiciels d’ACV tel que SIMAPRO.
  4. Interprétation. Cette dernière étape permet d’émettre un bilan grâce aux résultats obtenus lors de l’évaluation des impacts. Il permettra d’apporter des conclusions aux questions posées durant la définition des objectifs et des recommandations en termes de gestion environnementale.

Principaux résultats

Le système a été défini par les processus élémentaires schématisés ci-dessous.

Les données d’inventaire sont issues de la littérature scientifique, des données de l’ANDRA, des rapports d’EDF. Les données ont été rapportées à l’unité fonctionnelle du système étudié qui est « Démantèlement du CNPE de Fessenheim » (voir tableau ci-dessous). Tous les calculs d’inventaire se trouvent dans le rapport de master de Mehdi Iguider, Université de Strasbourg, 2022.

La méthode de calcul choisie pour cette étude est la méthode “IMPACT 2002+ v2.15”. Elle permet de calculer quatorze impacts et quatre dommages. Cette méthode de calcul découle de trois méthodes de calculs, qui sont : Eco-indicator 99, CML 2002 et IPCC 2001. Impact 2002+, créée par l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, est adaptée pour cette étude car elle est européenne et permet d’évaluer aussi bien les catégories d’impact que les catégories de dommages.
Le logiciel « SIMAPRO 9.3 » est utilisé afin de calculer et de modéliser les différents impacts dans cette étude. Une simulation préliminaire est effectuée pour déterminer les catégories d’impact pertinentes (figure ci-dessous).

Les différents processus sont comparés selon les catégories d’impact par l’unité « Pt, point ». Une unité de « point » représente l’impact d’une personne habitant en Europe pendant une année. Cette unité utilisée lors de la pondération permet de standardiser les résultats et facilite la comparaison. Grâce à cette simulation, une sélection de différentes catégories d’impact peut être établie : Les effets respiratoires causés par des composés inorganiques, l’écotoxicité terrestre, le réchauffement global et la consommation d’énergie non-renouvelable. En effet, le choix de ces catégories d’impact répond aux objectifs de l’ACV et respecte le critère de la non-redondance qui permet de sélectionner des catégories d’impacts qui sont indépendantes, les uns et les autres. Les résultats détaillés concernant chaque catégorie d’impact sont analysés dans le rapport de M. Iguider, 2022.

Perspectives

Il a été constaté que le processus de démolition a le plus grand impact sur toutes les catégories étudiées. En effet, avec l’utilisation de l’acétylène lors de du découpage des métaux, la démolition représente au minimum 67.9% des impacts.

Il est possible de se pencher sur l’étude du recyclage des matériaux tels que le béton ainsi que sur les métaux issus de la démolition. Cette étude, permettra de savoir si le recyclage permet de conduire à la réduction des impacts environnementaux, grâce à une revalorisation sur le long terme.

La politique du seuil de libération des déchets radioactifs peut être mise en question. En France, tout déchet étant en contact avec un environnement radioactif est classifié comme déchet radioactif, quel que soit son taux de radioactivité. Dans d’autres pays, comme la Suède, il y a un seuil de libération des déchets radioactifs qui permet de classer des déchets TFA en déchets conventionnels. Lors du démantèlement du CNPE de Fessenheim, les déchets très faiblement radioactifs représentent 60% de la masse totale des déchets radioactifs. Leur transport contribue aux impacts environnementaux exponentiellement plus par tonne que le transport de déchets conventionnels. Une modification de la politique du seuil de libération des déchets radioactifs pourrait limiter l’impact environnemental durant la phase de fin de vie du CNPE.

Plus-value pour le territoire

Cette étude a mis en exergue qu’avec une modification du seuil de libération des déchets TFA, il serait possible d’envisager un centre de stockage et/ou recyclage des déchets TFA sur le site de Fessenheim.

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