Régulation des rejets industriels et encadrement de la qualité des eaux du Rhin, dans un contexte réglementaire multi-échelles

Auteur(s)
Caline Ly Keng
Type
Thèse (TH-D)
Portée
Nationale
Année
2021

Les travaux du Grand Canal d’Alsace amorcés dès 1928 et la position stratégique de ce secteur au cœur de l’Europe, ont favorisé l’implantation d’industries sur la rive française entre Huningue et Neuf-Brisach. Historiquement, le droit français et le droit allemand s’étaient très tôt muni d’un arsenal règlementaire pour encadrer les nuisances sonores et olfactives engendrées par les industries. Les rejets d’effluents industriels dans le milieu naturel restant nécessaires, des compromis avaient dû être recherchés afin de concilier tous les intérêts à protéger. Le cas du Rhin supérieur est un terrain d’étude pertinent en raison de la concentration d’industries historiques et d’une multiplication, dans le temps et selon les niveaux de gouvernance, de textes juridiques en matière de rejets industriels. L’empilement normatif est encore plus visible au sein d’un espace transfrontalier où ces différentes échelles de réglementation se superposent.

Certes l’amélioration de la qualité des eaux du Rhin a été observée depuis les années 1990 notamment au lendemain de l’accident de Sandoz en 1986, mais quels ont été les dispositifs juridiques mis en œuvre dans la lutte contre la pollution industrielle et dans la protection du Rhin ? Est-il possible d’évaluer l’effectivité de ces dispositifs juridiques ?
L’évaluation de l’effectivité d’une norme dépend étroitement de l’espace où elle s’exerce et peut se mesurer par l’écart d’une norme technique avec la réalité. La géographie du droit permet de rendre compte de l’interaction entre (i) un ensemble de règles issu du droit des pollutions et nuisances et du droit de l’eau (ii) les jeux entre des acteurs et (iii) un cadre territorial : le Rhin. Dans le cadre de cette thèse, nous proposons d’identifier plusieurs dispositifs juridiques plaçant au centre les normes techniques et d’examiner leur caractère géo-légal et leur effectivité. En France bien que le droit des installations classées pour la protection de l’environnement et le droit de l’eau défendaient, à l’origine, des intérêts divergents, ils mobilisent tous les deux des normes techniques au sein de leurs dispositifs. Notre étude confirme que l’utilisation croissante des normes techniques dès la fin du XXe siècle tend à être harmonisé à l’échelle de l’Union européenne.

L’autorisation de rejets, délivrée au préalable par l’administration, prescrit des seuils limites de rejets pour chaque industrie. A partir des données d’archives, nous avons montré que l’élaboration de ces autorisations impactait les comportements des acteurs qui appliquent la loi et donc indirectement l’espace par les décisions qu’ils prennent. A l’inverse, un autre dispositif qui intervient après l’autorisation de rejet est le registre des émissions industrielles dans le milieu aquatique. L’exploitant est dans l’obligation de déclarer tout rejets dans le milieu aquatique supérieurs à certains seuils limites fixés au niveau national. Nous avons donc tenté de mesurer les écarts entre les rejets contenus dans les registres des émissions industriels et les normes de rejets prescrits dans les arrêtés préfectoraux individuels.
La lutte contre la pollution industrielle fait également intervenir des dispositifs de protection de l’eau. Il s’agit de dispositifs qui protègent indirectement la ressource en eau en délimitant une aire protégée comme la réserve naturelle de la Petite Camargue Alsacienne ou la zone humide du Rhin supérieur. Un autre dispositif identifié est celui de la fixation de normes de qualités environnementales pour certaines substances. Afin de mesurer son effectivité, nous avons examiné les écarts entre les normes de qualité environnementales et les concentrations de certaines substances mesurées historiquement par les stations internationales du Rhin.

L’étude de la coévolution des rejets industriels et de la qualité des eaux montre la multiplicité des normes juridiques mises en œuvre par des dispositifs agissant sur l’espace du Rhin français à des degrés d’effectivités distincts.

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