Détails du projet

Évaluation de scénarios pour une transition énergétique, économique et sociale de la région de Fessenheim

Lauréat
APR 2022
État du projet
En cours
Porteur
Nadège Blond & Thierry de Larochelambert
Unités
LIVE UMR 7362 - UNISTRA | FEMTO-ST UMR 6174 CNRS
Budget
8000 EUR
Discipline(s)
Écologie, économie, géographie
Mots-clés
Stratégies, Énergie, Impacts socio-économiques, Modélisation, Scénarios, Transition énergétique, Fessenheim

Les modifications profondes du modèle social, économique, énergétique, et politique du territoire de Fessenheim, engendrées par la fermeture de la centrale nucléaire, doivent être accompagnées par des évaluations quantitatives de scénarios futurs possibles. Le présent projet ESTEES vise à proposer plusieurs scénarios de transformation du système énergétique, et une évaluation de leurs impacts basé sur le modèle danois EnergyPLAN, un outil reconnu internationalement qui analyse les systèmes énergétiques nationaux et régionaux sous tous leurs aspects en faisant appel, ou non, à une optimisation pour aller chercher le scénario « optimal » minimisant les coûts. Le projet vise à exploiter ces scénarios pour définir une politique énergétique, sociale et environnementale ambitieux pour le territoire de Fessenheim.

Motivations

De grands débats ont été ouverts depuis plusieurs années sur la décision de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim et de son démantèlement, aussi bien à l’échelle du territoire de Fessenheim qu’à l’échelle nationale, et sont réactivés à la veille des élections présidentielles (jusqu’à remettre en question sa fermeture !).

Dans le cadre de l’activité d’animation de l’OHM Fessenheim, des équipes de recherche issues de disciplines/expertises différentes (sciences atmosphériques, géographie, énergie) et de différents laboratoires universitaires se sont rencontrées et ont émis le souhait de collaborer autour des stratégies énergétiques avec le plus grand souci de mener des évaluations comparatives objectives et ouvertes, reposant sur des bases solides de données statistiques et de méthodologies.

Aucune des équipes réunies ne défend ni ne souhaite privilégier une stratégie plutôt qu’une autre, mais les deux équipes s’accordent à dire qu’il faut évaluer quantitativement et le plus rigoureusement possible toutes les stratégies de planification énergétique locale de manière à présenter aux élus de la région de Fessenheim (Haut-Rhin, Baden-Württemberg, Territoire de Belfort, Basel-Land) des éléments qui puissent alimenter scientifiquement le débat démocratique et les choix décisionnels des acteurs socio-économiques et politiques en toute conscience de leurs implications.

Résumé

Le modèle social, économique, énergétique, et politique de la région de Fessenheim est profondément affecté par la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020. Les transformations de ce modèle doivent favoriser une planification locale raisonnée des investissements structurels dans tous les secteurs économiques pour réduire drastiquement les émissions locales de gaz à effet de serre, les gaspillages d’énergie et de matière, les importations d’énergie fossile et fissile, et ainsi répondre aux objectifs stratégiques européens (Fit for 55) et français (Stratégie Nationale Bas Carbone). Les gestionnaires des territoires doivent être accompagnés dans leurs démarches sur la base d’évaluations quantitatives multicritères de scénarios énergétiques futurs possibles pour les décennies à venir.

Le projet ESTEES propose d’utiliser le logiciel libre d’analyse danois EnergyPLAN de planification énergétique pour modéliser le système énergétique actuel de la région autour de Fessenheim (tâche RES-TMO effectuée en 2022) et ses évolutions futures aux hori- zons 2030 et 2050 (tâche ESTEES prévue en 2023), en initiant au préalable la création d’une base de données énergétiques et climatiques complète de cette région (tâche RES-TMO accomplie en 2022), pour accroître sa résolution spatiale et temporelle tout en la rendant évolutive et pérenne (tâche ESTEES prévue en 2023).
L’outil EnergyPLAN offre la possibilité d’analyser la demande en énergie et le potentiel de production énergétique, de proposer plusieurs scénarios de transformation du système énergétique, et d’évaluer leurs impacts. L’ensemble des scénarios peut être caractérisé en fonction de leurs efficacités, leurs coûts, leurs impacts socio-économiques et environnementaux. EnergyPLAN est l’un des outils de planification énergétique les plus puissants et universels utilisé internationalement par les chercheurs et ingénieurs. Il modélise, planifie et analyse le fonctionnement et les bilans horaires des systèmes énergétiques, économiques et climatiques locaux et nationaux sous tous leurs aspects, dans tous les secteurs économiques, pour tous les vecteurs et formes d’énergie, en faisant appel ou non à une optimisation technique ou économique pour aller chercher les scénarios « optimaux » offrant la plus grande efficacité énergétique, le plus grand taux de couverture renouvelable ou le coût minimal.

Contexte et problématique

Actuellement, 88% des émissions de gaz à effet de serre (GES) émis résultent de la combustion de combustibles fossiles, contribuant à l’augmentation de leur concentration atmosphérique [AIE, 2020]. Cette augmentation est le principal moteur du dérèglement climatique global dont les conséquences sont désormais visibles partout dans le monde. Réduire massivement et très rapidement les émissions de GES pour en réduire les impacts sur nos sociétés est l’enjeu majeur actuel. Il requiert la réduction rapide de la demande énergétique (par la sobriété individuelle et collective de tous les acteurs socio- économiques), l’augmentation de l’efficacité énergétique, la mise en place coordonnée d’une véritable écologie industrielle, et le développement accéléré et massif des filières de production et de stockage multi-échelles des énergies renouvelables.

L’avantage majeur des énergies renouvelables éolienne, solaire et houlomotrice est qu’elles sont na- turelles, sans extraction, surabondantes et disponibles sur le territoire. Leur production, certes va- riable, est modélisable et prévisible. Cette variabilité et celle des consommations est parfaitement gé- rable aujourd’hui et le sera davantage à l’avenir en les complétant par des productions pilotables (hy- droélectricité, géothermie, cogénération biomasse-biogaz, éventuellement nucléaire) ; en jugulant les surconsommations ; en décalant les puissances appelées ; en couplant les réseaux (électricité, chaleur, froid, gaz, mobilités) et les stockages énergétiques aux différentes échelles spatiales (locale, régionale, nationale, internationale) et temporelles (jour, semaine, saison, année), tout en assurant à tout instant la stabilité et la sécurité du système énergétique.

Une infinité de scénarios peuvent être déclinés en combinant les technologies actuelles et futures pour produire, stocker et convertir les énergies nécessaires à tout instant aux besoins énergétiques réels des différents secteurs économiques répondant aux enjeux climatiques, écologiques et sanitaires mon- diaux. Chaque technologie utilise des ressources différentes (renouvelables ou non) et impacte diffé- remment l’environnement en termes d’émissions de GES, de consommation d’eau et de pollutions diverses. Le choix du meilleur scénario se pose dans toutes les régions du monde et fait particulière- ment débat en France et en Europe, questionnant la place du nucléaire et du charbon dans les mix électriques, et interroge les territoires autour de Fessenheim sur le démantèlement (méthodologie, risques, objectifs) de la centrale nucléaire et sur leur avenir après sa fermeture définitive.

Les outils de planification énergétique les plus utilisés actuellement sont le plus souvent orientés vers l’estimation des coûts économiques de chaque scénario. Ces coûts sont des indicateurs essentiels, mais sont incertains, incomplets, biaisés et évolutifs. Les coûts électronucléaires sont régulièrement réévalués à la hausse (sûreté post-Fukushima, vieillissement, démantèlements, déchets nucléaires). A l’inverse, les coûts des technologies renouvelables, des stockages électriques et thermiques baissent fortement et régulièrement depuis des décennies grâce aux progrès de la recherche (efficacité, rup- tures technologiques, rendements, économie de matériaux), même s’ils ne prennent pas toujours en compte les seconds usages possibles et la valorisation des matériaux issus du recyclage ou des montées en gamme.

La pertinence des scénarios repose également sur la constitution de bases de données statistiques transparentes fiables, complètes, étendues dans le temps, et de résolution géographique, sectorielle, économique et administrative suffisante, ce qui est souvent loin d’être le cas.

Objectifs

Le département Energie du laboratoire FEMTO-ST travaille à la mise au point des dispositifs et systèmes énergétiques de production et de stockage, à la modélisation et l’optimisation de systèmes de conversion énergétique, de smartgrids, et à la modélisation des planifications énergétiques. Parmi les modèles utilisés, le modèle EnergyPLAN, développé par l’Université d’Aalborg (Danemark) peut tester les différentes hypothèses de structures de productions-stockages-couplages-consommations ou rechercher un optimum technique ou économique selon les choix de l’utilisateur. Il simule le fonctionnement de ces systèmes aussi heure par heure en y incluant toutes les formes de stockages (y compris les véhicules électriques en V2G, les STEP, le biométhane, l’hydrogène, l’air comprimé, les cuves et puits thermiques, etc.) et les échanges extérieurs sur les marchés de l’électricité et de gaz, les analyses complètes de coûts. Il permet également d’étudier les émissions de GES associées (y compris avec capture-stockage du CO2).

L’objectif du présent projet est de se focaliser sur les territoires concentriques autour de Fessenheim (Haut- Rhin, Baden-Württemberg, Territoire de Belfort, Basel-Land) pour appliquer les modèles cités et tester l’impact sur les trajectoires énergétiques, économiques et écologiques 2030 et 2050 de cette région des différentes hypothèses et choix :

  • Techniques (installations renouvelables, configuration des réseaux énergétiques et de leur degré de couplage, configuration des stockages énergétiques, degré de diffusion des technologies ; recyclage des matériaux et réparation des matériels; récupération des énergies fatales, etc.) ;
  • Géographiques (modification des pratiques, évolution des offres et structures de transports, configurations urbaines soutenables, liaisons naturelles, zones protégées, zones inondables et régénération écologique des cours d’eau, bassins versants et vallées, zone montagneuses, relations transfrontalières, etc.) ;
  • Ecologiques (évolution contrôlée des émissions/stockage de GES par secteur et par zone, des pertes énergétiques, des pollutions chimiques, biologiques et peut-être radiologiques, de la restauration biologique des sols et des eaux, de la pollution de l’air) ;
  • Socio-économiques (évolution des structures d’emploi, des distances travail-domicile; besoins en formation; flexibilités; évolution du travail à distance; évolution des équipements éducatifs, socio – culturels, mesures de sobriété, éducation à l’équilibre alimentaire, évolution de l’état sanitaire des populations, etc.).
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