Détails du projet

Caractérisation des émissions de particules fines sur le chantier de démantèlement de la centrale de Fessenheim

Lauréat
APR 2020
État du projet
Clos
Porteur
Anne Boos
Participants
Maurice Millet | Olivier Delhomme
Unité
IPHC UMR 7178 - UNISTRA
Budget
13 000 EUR
Discipline(s)
Chimie
Mots-clés
Particules fines, PM, nanoparticules, composition, distribution granulométrique, exposition, déchets

Le chantier de démantèlement du centre nucléaire de production électrique de Fessenheim aura pour conséquence le déplacement de quantités de matériaux importantes qui, comme tout chantier, sera à l’origine de l’émission de particules plus ou moins fines issues de sources d’émission nombreuses et variées : démolition de constructions, déplacements et travaux des engins de chantiers, érosion de terres mises à nu ou déplacées… D’autres sources d’émission liées plus spécifiquement à ce type d’industrie pourraient être identifiées.
Le projet de l’IPHC (UMR 7178) est de caractériser les particules fines (PM10 à PM2,5) qui sont présentes dans l’atmosphère avant le début du chantier de démantèlement (point “zéro”). Cette caractérisation de la granulométrie des particules et leur quantification se fera à l’aide de préleveurs de type impacteur en cascade ou de préleveurs passifs. La composition élémentaire des différentes fractions granulométriques récoltées sera déterminée par ICP-MS. Cette étude se fait en collaboration avec une équipe ayant une expertise en physico-chimie de l’atmosphère (ICPEES, UMR 7515).
Les nanoparticules (diamètre < 100 nm) pourront être également caractérisées en distribution granulométrique et composition grâce au développement de méthodes analytiques innovantes utilisant le mode Single particle de l'ICP-MS (SP-ICP-MS). Une meilleure connaissance de la présence et de la mobilité de ces nano-objets est très importante d'un point de vue toxicologique. Le projet s'attachera à optimiser les conditions de l'étape de prélèvement ainsi que les méthodes analytiques.

Objectifs du projet et mise en contexte

Les impacts environnementaux du démantèlement des installations de production d’électricité ont été très peu pris en compte dans l’analyse de leur cycle de vie car les données sont manquantes. Pourtant, le nombre de projets de démantèlement est en croissance partout dans le monde et il devient crucial d’en établir les risques environnementaux et toxicologiques pour mieux les maîtriser.

On peut considérer que l’émission de radionucléides sera bien maîtrisée et donc très limitée car ces risques de contaminations focalisent l’attention de la société civile, des instances de surveillance et bien sûr des acteurs du démantèlement. En revanche, d’autres sources de contaminants existent comme sur tout chantier de démolition. Seier et al. [1] ont réalisé l’inventaire relatif au cycle de vie de la centrale nucléaire de Lunbmin (Allemagne) en prenant en compte l’étape du démantèlement. Pour ne citer que les déchets conventionnels, les quantités de bétons et de métaux représentent respectivement 1 523 282 t et 191 217 t. Les débris, 264 294 t. Malgré les précautions prises, il est possible que des résidus de contaminants soient présents dans ces déchets. Des poussières et plus particulièrement des particules fines, provenant de ces déchets, peuvent être émises dans l’air au moment de leur formation au cours de la démolition de diverses constructions ou pendant leur stockage sur place. Les nanoparticules (granulométrie 100 nm) font l’objet d’une suspicion justifiées car les quantités émises et leurs effets sur l’homme et l’environnement sont peu connues. Déterminer la composition chimique et la morphologie (taille et forme) des particules émises sur un chantier d’une envergure telle que Fessenheim et réalisé sur une échelle de temps longue, est une opportunité pour suivre ces émissions pendant les différentes étapes du chantier, selon l’emplacement et selon les conditions météorologiques.

Le projet vise à caractériser les particules fines (PM10, PM2,5, PM1, PM0,4 et nanoparticules) présentes sur le site de Fessenheim avant le début des opérations de démantèlement pour établir un point “zéro”.
Il s’agira de :

  1. mettre au point un plan d’échantillonnage fixant les paramètres des conditions de prélèvements qui permettent d’avoir une bonne représentativité des particules fines présentes sur le site selon les conditions météorologiques et l’emplacement du préleveur,
  2. analyser ces prélèvements pour établir leur composition élémentaire en éléments majeurs comme en éléments traces
  3. développer des méthodes utilisant le mode Single particle de l’ICP-MS pour mesurer la distribution granulométrique et la composition des nanoparticules (diamètre < 100 nm)

Méthodologies

Initialement, des prélèvements devaient être effectués au moyen d’un impacteur en cascade. Cependant, cet outil demande une alimentation électrique qui s’est avérée ne pas être disponible sur le site dans la période couverte par le projet. Nous avons donc mis la priorité des travaux sur le développement de l’analyse des nanoparticules par le mode « Single particle » de l’ICP-MS étant donné que ces méthodes novatrices ne sont pas encore validées que ce soit au niveau du prélèvement, de la préparation de l’échantillon, de l’analyse elle-même mais aussi de l’interprétation du signal mesuré.

Concernant le prélèvement, l’utilisation d’un impacteur en cascade resquière le choix du filtre (fibre de verre, quartz, PTFE) sur lequel les particules sont recueillies selon leur fraction granulométrique. La nature du filtre permettant d’avoir le moins de contamination et le relargage des nanoparticules après le prélèvement a été étudiée, dans un premier temps sur des dépôts de solutions de nanoparticules zréalisés directement sur un filtre et dans un deuxième temps, en reproduisant le prélèment d’un aérosol contenant des nanoparticules. Pour cela, un montage expérimental a été mis en place au sein du laboratoire.

Concernant la préparation de l’échantillon prélevé sur les filtres, des tests de remise en suspension des particules déposées sur les filtres pendant le prélèvement ont été réalisés, l’analyse SP-ICP-MS se faisant sur les particules dispersées en phase aqueuse.

Concernant l’analyse des particules prélevées, deux niveaux d’analyses ont été considérés : l’analyse de la composition globale élémentaire des particules prélevées selon leur fraction granulométrique par l’impacteur en cascade et l’analyse des fractions les plus fines en mode SP-ICP-MS.
Pour l’analyse globale des particules, le mode de minéralisation des dépôts a été optimisé. Deux combinaisons de réactifs ont été testées sur des dépôts de solutions étalon sur des filtres pour vérifier l’efficacité et la justesse de cette étape.

Pour l’analyse des nanoparticules par SP-ICP-MS, plusieurs aspects ont été étudiés : i) la remise en suspension des particules déposées sur les filtres pendant le prélèvement, ii) les conditions d’analyse mais surtout iii) le traitement des données qui reste complexe. Ces développements analytiques ont été réalisés soit avec des nanoparticules d’argent, soit avec des nanoparticules de Fe3O4.

Principaux résultats

Pour l’analyse de la teneur en élément totale, la mise en solution par chauffage microondes des dépöts de particules prélevés sur les filtres de l’impacteur en cascade se fait avec moins de contamination par les réactifs et les filtres de quartz avec le mélange HNO3/H2O2.

Les analyses des prélèvements d’air réalisés à Cronenbourg, dans un environnement péri-urbain, pendant 15 jours en février – mars 2021, ont révèlé la présence de très peu d’éléments dans les différentes fractions de l’impacteur : un alcalino-terreux, Mg, des métaux de transition Mn, Fe, et Zn et 2 autres éléments Al et Ti. La plus forte teneur en Mg, Mn Fe et Zn est observée sur l’étage 2 de l’impacteur en cascade correspondant à la fraction 4,7 – 5,8 µm. Ces éléments sont plutôt d’origine naturelle et proviennent probablement de l’érosion des sols. En revanche, ce n’est pas le cas de Ti que l’on retrouve dans la quasi totalité des fractions.

Les analyses réalisées au centre-ville de Strasbourg pendant 3 semaines en juin – juillet 2021, révèlent des teneurs en éléments nettement plus élevées et des éléments supplémentaires sont détectés : Cr, Cu, Sr, Zr, Sn, Sb et Ba. Ceci est cohérent avec la forte circulation automobile de l’emplacement et une origine anthropique de ces éléments.
Pour développer la méthode d’analyse des nanoparticules atmosphériques par SP-ICP-MS, nous avons donc choisi de travailler avec deux types de nanoparticules de référence : des nanoparticules d’argent (NPs Ag) de 60 nm parfaitement caractérisées et des particules de magnétite (NPs Fe3O4) de 50 à 100 nm avec une population de taille de particules plus dispersées mais dont la composition (oxyde de fer) correspond majoritairement à celle des particules déposées sur les filtres.

Un programme pour le traitement des données du signal mesuré dans le temps (TRA) est nécessaire pour le convertir en distribution de taille de particules (figure ci-dessous : Zoom d’un signal TRA obtenu avec un appareil Agilent 7700. NPs Ag 60 nm à une concentration de 185 µg.mL-1. tdwell : 300 µs) .

Le programme écrit sous R permet de calculer le signal de la ligne de base (en rouge dans la figure ci-dessus) résultant de la présence de l’élément sous sa forme dissoute dans l’échantillon et de le distinguer du signal des particules détectées sous la forme de pics dont l’intensité est proportionnelle à la taille de la particule. L’intensité du signal des particules est ensuite converti en quantité d’élément par comparaison avec le signal d’une solution étalon puis cette quantité est convertie en diamètre sphérique équivalent.

Plusieurs programmes R ont été écrits pour les différentes situations possibles. Un premier programme R dénommé Script 7700 est utilisé pour exploiter le signal TRA mesuré avec un ICP-MS Agilent 7700 dont les temps d’intégration du signal (tdwell de 300 µs minimum) ne permettent pas de mesurer le profil d’une nanoparticule pendant son passage dans l’appareil. Un deuxième programme, dénommé Script 8900 B, permet d’exploiter le signal TRA d’un ICP-MS/MS Agilent 8900 dont le temps d’intégration plus faible (tdwell de 100 µs) permet de visualiser la forme des nanoparticules et de distinguer les nanoparticules de référence (figure ci-dessous, pics numérotés en vert) de nanoparticules résultant d’une reprécipitation.
Un exemple est présenté sur la figure ci-dessous montrant un zoom d’un TRA obtenu avec l’appareil Agilent 8900 de NPs Ag à une concentration de 400 ng.mL-1. tdwell : 100 µs. Les pics numérotés en vert correspondent aux nanoparticules de référence. En rouge, aux nanoparticules résultant de reprécipitation.

Enfin, un troisième programme R, dénommé Script 8900 A, également destiné à l’ICP-MS/MS Agilent 8900, permet de calculer la distribution des tailles de particules sans discrimination de forme pour les échantillons des prélèvements atmosphériques dont la forme des particules peut être diverse.

Un exemple de distribution de taille de particules pour les nanoparticules d’argent de référence obtenue avec le programme Script 8900 B est présenté ci-dessous (NPs Ag 60 nm).

Le programme 8900 A a permis d’établir la distribution de taille de particules d’une suspension de particules de Fe3O4 préparées au laboratoire à partir de la poudre commerciale :

Le filtre choisi pour le prélèvement des NPs avec l’impacteur en cascade ou un préleveur passif doit pouvoir retenir les NPS mais les NPs piégées doivent aussi pouvoir être remises en suspension pour l’analyse en mode Single Particlequi se fait en solution aqueuse uniquement. Cette remise en suspension doit être la plus efficace possible sans provoquer de modification de la taille des particules, elle doit donc éviter leur dissolution, qui provoquerait une sousestimation de leur taille, ou leur aggrégation, qui provoquerait au contraire une surestimation de leur taille. Aucun protocole normalisé ou validé n’est disponible à l’heure actuelle.

Pour optimiser cette étape, un dépôt d’un nombre connu de particules a été effectué sur des filtres de différentes compositions (quartz, PTFE et cellulose) afin de déterminer la nature de la solution et les conditions optimales de désorption. Les premiers résultats obtenus montrent que seuls les filtres en PTFE sont adaptés : les filtres en cellulose se délitent dans la solution au cours de la sonication, les filtres en quartz piègent les nanoparticules de manière irréversibles, empêchant leur remise en suspension.

Lorsqu’un montage pour simuler un prélèvement d’air a été mis en oeuvre, des nanoparticules d’argent ont été observées sur tous les filtres de l’impacteur en cascade.

Celui-ci fractionne non pas la particules d’argent selon leur taille mais il fractionne les gouttelettes de l’aérosol formées contenant les nanoparticules selon leur taille.

Perspectives

Des essais de prélèvements réalisés au moyen de préleveurs passifs seront réalisés dans l’objectif de placer ces préleveurs à proximité du site de la centrale pour obtenir le point zéro.

Plus-value pour le territoire

Les méthodes analytiques développées dans le cadre du projet seront applicables à d’autres contextes et permettront par exemple une meilleure caractérisation des particules fines et ultrafines émises en milieu urbain ou dans des milieux professionnels.

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