Géohistoire, dans l’espace du Rhin supérieur, des rejets industriels et de leurs impacts sur l’environnement dans un contexte d’évolution de la réglementation européenne
Ce projet cherche à faire un point géo-historique sur les rejets industriels dans le Grand Canal d’Alsace et le Vieux Rhin, au regard de l’évolution des cadres réglementaires nationaux et européens qui en définissent les limites. Il intégrera en particulier le rôle du CNPE de Fessenheim, dont on va chercher à mieux déconvoluer le rôle dans l’histoire des rejets du Rhin supérieur par rapport à l’ensemble des autres rejets qui auraient contaminés l’écosystème rhénan. De manière générale, il est observé une diminution quantitative des polluants rejetés par les industries au cours du temps, sans pour autant freiner la découverte de « nouvelles substances ». Il est alors légitime de se poser la question concernant les facteurs qui auraient influencé la diminution de ces rejets. Pour cela, il est pertinent d’analyser l’évolution de la règlementation qui va permettre de répondre à ces questions. L’objectif de cette étude sur l’évolution des rejets historiques est de comprendre l’interaction entre les pollutions industrielles et la règlementation correspondante.
Motivations
Ce projet est un environnement de thèse FCPR (formation continue pour la recherche), financée par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire. L’approche interdisciplinaire entre la géographie industrielle et le droit de l’environnement dans le cadre de cette thèse est originale. Elle va tenter de répondre aux problèmes posés par la pollution industrielle des eaux. L’étude des rejets industriels historiques et actuels (chroniques et accidentelles) dans le Grand Canal d’Alsace et le Vieux Rhin sont pertinentes afin de comprendre leurs impacts sur l’état actuel de l’écosystème rhénan.
Cadrage
L’espace du Rhin Supérieur s’étend sur 350 km entre Bâle et Bingen-am-Rhein. Dès le 19ème siècle (i.e. 1840), le Rhin Supérieur a subi de profondes modifications. Entre 1842 et 1876, les méandres ont été coupés, des bras ont été comblés et des digues ont été montées afin de concentrer le débit du Rhin dans un seul lit. Cependant, s’ensuivit une augmentation de la pente, du fait du raccourcissement de la distance à dénivelé égal, et donc de la vitesse des eaux qui conduisit à une érosion plus importante et rendit la navigation très difficile. Des travaux de régularisation du Rhin Supérieur furent entrepris dès 1907. En 1919, la France obtint le droit exclusif d’aménager le Rhin. Dès 1928, les travaux du Grand Canal d’Alsace (i.e. canal latéral creusé parallèlement au Rhin régularisé) commencèrent. Le projet avait pour objectif d’aménager le Rhin à des fins énergétiques tout en préservant la navigation. L’aménagement du Rhin alsacien est aujourd’hui constitué de 10 centrales hydroélectriques construites entre 1933 et 1977. La longueur du Grand Canal d’Alsace, situé entre Kembs et Vogelgrün, est d’environ 52 km. Le Rhin se sépare en deux parties au niveau du barrage de Village-Neuf (début du Grand Canal d’Alsace), qui régule le débit dans le Grand Canal, tout en permettant à une partie de l’eau du Rhin d’emprunter le vieux Rhin plutôt que le canal. Le débit élevé du Grand Canal d’Alsace, tout au long de l’année, en a fait un atout pour la construction à partir de 1970 de la première centrale nucléaire française destinée exclusivement à la production d’électricité évitant ainsi d’avoir à construire des tours de refroidissement.
Par ailleurs de nombreux sites industriels se sont installés petit à petit le long du Rhin supérieur, et continuent à se développer en raison de la position stratégique de ce secteur au cœur de l’Europe occidentale, mais aussi parce que cette proximité entre les sites de production d’énergie (et notamment la centrale nucléaire de Fessenheim) et les sites de consommation d’énergie électrique permet de profiter d’énergie électrique produite en minimisant les pertes par effet joule. Les rejets dans le Rhin sont par hypothèse ceux autorisés par la réglementation, qui joue un rôle majeur de sécurisation de ce lieu qui sert de frontière nationale. La chronologie de la réglementation et l’étude de ses évolutions sont des éléments structurants de la compréhension de ce socio-écosystème. Certes les rejets industriels de l’ensemble de ces aménagements et installations sont encadrés par la réglementation et le débit conséquent du Rhin supérieur en fait un atout pour la production d’énergie, cependant on peut se demander si des rejets industriels en continu dans le Rhin n’auraient pas à la longue un impact sur l’environnement, et quelle serait la portée impactante de ces rejets, compte tenu de la vitesse du courant.
Objectifs
Cette thèse se propose de reconstruire un historique des rejets industriels incluant ceux du CNPE de Fessenheim dans le Rhin et de leurs impacts sur l’environnement, notamment les contaminations de l’écosystème rhénan, tout en intégrant les influences normatives qui se sont mises en place petit à petit, et notamment suite à l’émergence d’une réglementation européenne visant à améliorer la qualité des eaux.
L’histoire globale des rejets dans le Rhin, et de leur évolution du fait de la prise en compte de l’évolution de la règlementation, n’a pas encore été faite. La portée des impacts de tel ou tel rejet spécifique n’est pas non plus connu : Or ce sont autant d’informations qui pourraient fortement conditionner la qualité environnementale actuelle ou la « qualité écologique » de l’écosystème Rhin Supérieur. Il est donc important de pouvoir reconstruire un tel historique si l’on veut comprendre l’état actuel de l’écosystème et en prévoir son évolution. C’est l’objet du projet de thèse proposé qui, au-delà d’un inventaire des rejets et de leur évolution, proposera davantage une méthodologie d’approche pour répondre à cette problématique, qui devrait être facilement transposable à d’autres sites et systèmes anthropisés.
Afin d’étudier ces impacts et d’essayer notamment d’en mesurer la portée, nous proposons de nous concentrer sur les impacts des installations situées le long du Grand Canal d’Alsace, pour deux raisons principales :
- D’une part, parce que cette région a été fortement modifiée par l’aménagement du Rhin et la construction progressive du grand canal d’Alsace. Cela conduit à l’existence aujourd’hui de deux écoulements séparés sur 52 km, le « Vieux Rhin » et le Grand Canal d‘Alsace mais dont les histoires de mise en place ont été étroitement imbriquées. Ce site est de ce point de vue un site école, pour retrouver dans les caractéristiques actuelles de ces deux systèmes d’écoulement les impacts/influences de la construction de ce double système.
- Et d’autre part parce qu’une installation tout à fait spécifique existe en ce lieu, le CNPE (Centre Nucléaire de Production d’Electricité) de Fessenheim dont on pourra essayer de tracer les rejets spécifiques pour en mesurer la portée.
Ce projet cherche donc à faire un point géo-historique sur les rejets industriels, et donc des contaminants, dans le Rhin supérieur, au regard de l’évolution socio-économique de la région mais aussi de l’évolution des cadres réglementaires nationaux et européens qui en définissent les limites. Ce projet intégrera en particulier le rôle du CNPE de Fessenheim, dont on va chercher à mieux déconvoluer le rôle dans l’histoire des rejets du Rhin supérieur par rapport à l’ensemble des autres rejets.
Méthodologie
- Recueil analytique des données géo-historiques et répertoriage réglementaires.
Il sera nécessaire de commencer par un état des lieux qui consistera, dans un premier temps, en la caractérisation de la nature et la localisation des contaminants industriels dans le Rhin supérieur servira à reconstruire l’historique des rejets. La particularité et la difficulté concernant la règlementation des rejets industriels dans le Rhin supérieur est qu’elle puise sa source dans le droit international (conventions internationales), le droit européen (directives) et règlements) et enfin le droit national (lois et règlements) en raison de sa position transfrontalière. L’analyse comparative des règlements aura pour objet l’étude des influences mutuelles qu’il a pu y avoir au cours du temps entre les différentes sources de droits et in fine la compréhension de l’adaptation des rejets industriels vis-à-vis de l’évolution des sources réglementaires. Par ailleurs il sera nécessaire d’identifier, en parallèle de l’historique des rejets, non seulement les règlements applicables à la protection de la ressource en eau mais également les règlements applicables aux installations nucléaires de bases du fait de la présence de la CNPE. Plus généralement, ces réglementations doivent être analysées dans le contexte plus global de la transition énergétique visant dans l’Union européenne une économie décarbonée à horizon 2050. Afin de réaliser cette première étape, il est nécessaire de recueillir les données documentaires, cartographiques, réglementaires, d’observations de terrain, ainsi que d’entretiens avec les acteurs impliqués dans les rejets dans le Rhin supérieur et les habitants et riverains proches du Rhin supérieur des deux côtés de la frontière. Dans cette étape de travail, nous ne nous limiterons pas à des approches purement descriptives, et chercherons au contraire à mettre en œuvre des approches participatives. Dans ces approches, les sujets participants (les acteurs) sont considérés comme des co-chercheurs et pas seulement des partenaires d’un processus de création de savoirs pour l’action. - Recoupage entre les données géo-historique et réglementaires.
Les données historiques et règlementaires préalablement recueillies par la démarche décrite ci-dessus auront vocation, dans un second temps, à être exploitées et croisées entre elles pour faire un point géo-historique sur les rejets industriels dans le Rhin supérieur, au regard de l’évolution de la réglementation, et en visant plus particulièrement le rôle du CNPE de Fessenheim, dont on va chercher à mieux déconvoluer le rôle par rapport à l’ensemble des autres rejets. L’élaboration de cartes portant sur la géo-histoire et sur l’influence normative réglementaire du Rhin supérieur facilitera la compréhension de leurs influences mutuelles. Puis l’analyse de ces cartes permettra d’évaluer les contraintes et les opportunités juridiques de la logique transfrontalière et européenne qui redessinent l’espace du Rhin supérieur. On s’intéressera aux principales interactions mutuelles entre le territoire du Rhin supérieur et les législations nationales et européennes.