Détails du projet

L’écosystème de Fessenheim : cohérence ou dissonance sectorielle ?

Lauréat
APR 2024
État du projet
En cours
Porteur
Patrick Rondé
Participant
Kenji Fujiki
Unités
BETA UMR 7522 | LIVE UMR 7362
Budget
6500 EUR
Discipline(s)
Individus, marchés et organisations, Le monde social et sa diversité, Mobilité humaine, environnement et espace
Mots-clés
Ecosystèmes, SIG, Analyse sectorielle, Prospective territoriale

La fermeture du Centre Nucléaire de production d’Electricité de Fessenheim a très certainement des répercutions majeures sur son écosystème. Ce projet s’inscrit dans la prolongation du précédent dont l’objectif était de déterminer l’impact de la décision de fermeture de la centrale sur l’écosystème de Fessenheim. Il s’appuie donc sur la base de données précédemment construite et constituée de données originales intégrées dans un système d’information géographique, permettant de mesurer dans l’espace et dans le temps, des changements de vocation des unités territoriales constitutifs de l’écosystème. Le travail précédent a permis de développer un modèle économétrique mettant en évidence l’impact significatifs des décisions (annonce de fermeture, puis fermeture) sur les changements de vocations. Il s’agit à présent de proposer une analyse sectorielle des changements effectués afin de jeter les bases d’une approche prospectiviste des futures dynamiques économiques territoriales. In fine, ce projet ambitionne d’ouvrir des perspectives pour l’analyse de la résilience des socio-écosystèmes impactés par des chocs externes.

Motivations

Sur un plan méthodologique, ce projet fait suite à nos travaux antérieurs visant à suivre dans le temps les conditions d’occupation et la vocation des unités territoriales, à l’échelle parcellaire ou infra-parcellaire. Il va également au-delà en proposant d’étudier l’impact dans le temps et l’espace des effets de clustering ou de disonnance sectorielle déjà initiés suite aux à l’annonce et à la fermeture de la centrale. Enfin, cette méthodologie est reproductible permettant ainsi de caractériser l’évolution à grande échelle d’autres socio-écosystèmes. Sur le plan empirique, ce projet constitue une première tentative de mesure territorialisée de l’impact sectoriel de la fermeture de la centrale. Enfin, sur le plan théorique, ce projet en quatre étapes (constitution de la base de données, analyse d’impact, détermination sectorielle des territoires impactés et éléments de prospective territoriale) ouvre des perspectives pour l’analyse de la résilience des socio-écosystèmes impactés par des chocs externes.

Cadrage

La fermeture d’infrastructures publiques majeures dans un territoire peut considérablement affecter sa dynamique économique pour plusieurs raisons :

  1. Tout d’abord, les choix de localisation des agents économiques sont affectés de manière directe par cette fermeture via plusieurs canaux de transmission :
    • La fermeture du site entraîne des changements de vocation de terrains précédemment occupés ;
    • Une main d’œuvre à la sociologie particulière quitte le territoire, entrainant également des modifications de la vocation de certains terrains ;
    • Les interactions stratégiques entre firmes se trouvent modifiées, impliquant de nouveaux choix de localisation (Kamien et Zang, 2000) et donc une modification de l’équilibre spatial.
  2. Ensuite, des effets plus indirects s’observent aussi :
    • Des externalités négatives de demande et d’offre peuvent apparaître (Jacobs, 1969 ; Florida, 2002) liées à des pertes de spécialisation (main d’œuvre qualifiée, réseau de sous-traitants…) ;
    • Des externalités négatives de connaissance à la Jaffe (1989), ou à la Florida (2002) peuvent également se produire liées au départ de «classes créatives».

    D’un autre côté, les infrastructures de transport (routières, ferroviaires, fluviales…) liées à la Centrale demeurent, rendant le territoire attractif pour de nouveaux agents économiques puisque :

    • Les entrepreneurs ne sont pas indifférents entre des localisations alternatives et certains sites mieux connectés peuvent apparaître plus attractifs (Polèse et Thibodeau, 1975 ; Holl, 2004b), ce qui peut se traduire par des créations ou délocalisations d’entreprises (Targa et al. 2006).
    • Les infrastructures de transport favorisent les externalités d’agglomération (Holl, 2004b) qui permettent d’accroître la productivité des firmes (Graham, 2007). La localisation des entreprises en marge de ces infrastructures peut avoir un impact direct sur leurs bénéfices par augmentation de visibilité, extension de zone de marché, ou augmentation de demande potentielle (Credit, 2017).

Ainsi, cette décision de fermeture de la Centrale pourrait constituer une perturbation tout aussi majeure pour le territoire que ne l’a été l’implantation de la centrale. Mais, comme nous l’avons signalé, aux effets négatifs liés à la fermeture peuvent apparaître, décalés dans le temps, des effets positifs du fait de l’attractivité du territoire liée à la pérennisation des infrastructures de transport. Se pose alors la question, d’un point de vue évolutionniste, de la cohérence ou de la dissonance sectorielle de ces nouvelles activités. Autrement dit, cette variété d’activités est-elle liée à la spécialisation sectorielle du territoire, ou bien au contraire n’est-elle pas liée à ces spécificités, ouvrant – peut-être – la voie à de nouvelles trajectoires de développement ?

Objectifs

L’idée de ce projet est de mesurer les changements sectoriels de l’écosystème de Fessenheim survenus suite à la décision de fermeture de la centrale et d’en analyser les possibles trajectoires technologiques.

Ce projet s’inscrit donc très clairement dans l’axe 2 de l’APR OHM Fessenheim visant à étudier la dynamique économique de déterritorialisation/reterritorialisation du territoire suite à la décision d’arrêt. Il s’inscrit également dans la suite de l’étude précédente qui a bien confirmé l’effet significatif de la fermeture de la centrale sur le changement de destination des unité territoriales. Il nous faut à présent analyser le contenu de ces changements (vacant, résidentiel, agricole, industrielle et type de secteurs industriels concernés) afin d’esquisser de manière prospective les changements de structure industrielle en jeux ainsi que la dynamique territoriale à l’œuvre. Dans ce cadre, nous nous focaliserons sur les évolutions sectorielle à l’œuvre en tentant de définir les trajectoires de développement : renforcement des spécificités sectorielles pré-existantes, développement d’activités complémentaires aux structures sectorielles existantes, apparition de nouvelles spécificités sectorielles, apparition d’une préférence pour la variété, …

In fine, l’analyse permettra d’envisager des scénarios prospectivistes de développement territoriale.

Méthodologie

Utilisation d’une base de données originale :
Le projet s’appuie donc sur une base de données précédemment construite et permettant de mesurer, dans l’espace et le temps, des changements de vocation (économique, résidentielle, agricole) des unités territoriales constitutifs du socio-écosystème de Fessenheim. Cette base, intégrée au sein d’un SIG, a été construite à partir du croisement de deux grandes sources de données, mises à jour à un rythme annuel ou pluriannuel (Bocquet, 2018) : (1) les « Fichiers Fonciers » du CEREMA, qui permettent de caractériser, en termes de surface, de type d’occupation et de propriété, les unités territoriales ; (2) le répertoire « Sirene » de l’INSEE, listant les entreprises et leurs établissements, et permettant d’enrichir les données relatives aux unités territoriales à vocation économique (type d’entreprise, secteur d’activité, nombre de salariés).

Cartographie des territoires impactées et éléments d’analyse sectorielle :
L’impact significatif à la fois de la décision et de la fermeture du site sur le changement de vocation des unités territoriales ayant été mis en évidence dans le précédent projet, il s’agit à présent de spécifier la nature des changements sectoriels à l’œuvre en se référant à la nomenclature sectorielle de l’INSEE. Dans un second temps, en se basant sur des indices de proximité sectorielle (Rondé, 2005), nous caractériserons les complémentarités susceptibles de participer à une nouvelle dynamique économique territoriale afin de jeter les bases d’une étude prospective. Dans ce cadre, nous proposons d’administrer une enquête afin de recueillir la vision territoriale des différents acteurs et la vision consensuelle.

Résultats attendus

Les résultats attendus répondent à plusieurs enjeux, théoriques et pratiques.

Sur un plan théorique, les attendus sont de plusieurs ordres :

  • D’abord, nous alimentons la base de données précédemment constituée, afin de continuer la mesure – dans l’espace et dans le temps – des changements de vocation (économique, résidentielle, agricole) des unités territoriales qui constituent le socio-écosystème de Fessenheim. En effet, outre les deux dates majeures (l’annonce et la fermeture) qui ont significativement affecté les changements de vocation des unités territoriales (c.f. projet précédent), il se peut également qu’une nouvelle dynamique économique ait été initiée, engendrant des phénomènes cumulatifs dont il est important d’en mesurer l’ampleur ;
  • Ensuite nous développons un modèle économétrique afin de rendre compte des possibles effets de « clustering sectoriel » sur le changement de vocation des différentes unité territoriales de l’écosystème selon les zones étudiées ;
  • Nous espérons également obtenir une cartographie dans le temps et l’espace des changements de structure industrielle (et agricole) à l’œuvre sur le territoire suite à la décision de fermeture de la centrale toujours selon les zones d’impact considérées ;
  • Enfin, l’analyse des changements structurels et des effets de complémentarité devrait nous permettre de mettre en évidence une première ébauche des dynamiques économiques à l’œuvre
    sur le territoire de l’écosystème. Cette ébauche sera complétée par des enquêtes de terrain
    visant à valider (ou invalider) des scénarios prospectivistes.

Sur un plan pratique ensuite, les attendus envisagés sont les suivants :

  • Nous espérons d’abord publier un article de recherche dans une revue reconnue qui reprenne les résultats du modèle économétrique.
  • Celui-ci pourrait être complété par un second article orienté sur l’approche méthodologique, portant sur la construction de la base de données.
  • Enfin, nous comptons diffuser largement nos résultats au sein de la communauté scientifique via la participation à des colloques, mais également au sein des communautés territoriales afin de valider et/ou de co-construire certains scénarios de développement.
Back to top