Détails du projet

Composition géochimique des eaux et sédiments du Rhin entre Bâle et Neuf-Brisach

Lauréat
APR 2024
État du projet
En cours
Porteur
François Chabaux
Participants
Frédérique Berrod | Dominique Badariotti
Unités
ITES UMR 7063 - UNISTRA | LIVE UMR 7362 | CEIE UR 7307 - UNISTRA
Budget
5500 EUR
Discipline(s)
Sciences du système terrestre
Mots-clés
Suivi environnemental, impact socio-économique, eaux, sédiments, démantèlement CNPE, Bassin Rhénan

Dans le cadre des objectifs de l’OHM Fessenheim de caractériser l’impact de l’arrêt puis du possible démantèlement du CNPE Fessenheim sur son socio-écosystème, et en nous appuyant sur les résultats obtenus au cours de ces 5 dernières années sur l’étude de l’évolution de la qualité des eaux et des sédiments du Rhin en alsace, nous proposons une étude de deux ans ciblée sur le secteur du Rhin entre Bâle et Neuf-Brisach (villes entre lesquelles se trouve le CNPE Fessenheim) dont l’objectif est d’aider à préciser et structurer la mission observatoire de l’OHM Fessenheim que nous souhaitons développer.

Motivations

Le projet est soumis dans le cadre des réflexions menées par l’OHM sur ce que doit/peut-être un observatoire de l’impact de la fermeture d’un CNPE sur un socio-écosystème.

Sur la base des réflexions et travaux menés depuis 5 années, il se focalise sur la composition chimique des eaux et sédiments du Rhin dans la plaine d’Alsace, pour lesquelles les travaux réalisés nous ont permis de reconstruire des trajectoires temporelles pluri-décennales et d’en proposer certains facteurs explicatifs ; en particulier les travaux menés dans la thèse de Caline Ly Keng suggèrent un potentiel encore peu utilisé de ces suivis chimiques pour discuter de l’effectivité et/ou de la pertinence de normes réglementaires. Sur cet aspect « technico- réglementaire » nous sommes convaincus qu’un observatoire des compositions chimiques des eaux et sédiments au niveau du CNPE permettrait de mieux comprendre et préciser ce potentiel.Le projet est proposé et pensé aussi comme un projet amorce ou plutôt catalyseur de la structuration de la mission observatoire de l’OHM Fessenheim que nous souhaitons développer.
Sur la période du projet nous ouvrirons ainsi une discussion sur la pertinence ou non d’ouvrir à des suivis de composés organiques mais aussi à l’application des approches d’ADN environnemental pour l’étude et le suivi des communautés biologiques et de leurs variabilités spatiotemporelles, en lien avec les développements et travaux sur l’ADN environnemental menés dans la thèse d’Armando Espinos Priéto. Une des motivations principales de notre projet à termes est de pouvoir lier l’évolution spatio-temporelle de ces différentes grandeurs/paramètres environnementaux du Rhin, à celle du cadre socio-économique de l’écosystème impacté par le CNPE pour en comprendre la part d’influence réelle.

Cadrage

Proposé dès 2014, dans le cadre du volet Fessenheim du plan état-région, la notion d’Observatoire des impacts de la fermeture du CNPE Fessenheim sur son socio-écosystème a démarré grâce au projet Juxta Rhenum (projet Idex Unistra 2017-2020) et s’est structurée officiellement en 2018 grâce à la création de l’OHM Fessenheim co-porté par la direction INEE du CNRS et par l’université de Strasbourg.

Une des missions de l’OHM Fessenheim est de caractériser (pour à terme modéliser) l’évolution de l’ensemble des transformations du socio-écosystème en lien avec la fermeture du Centre Nucléaire de Production Electrique (CNPE). Une des approches proposées dans le cadre de l’OHM est de caractériser pour des grandeurs clés du fonctionnement du socio-écosystème leur évolution temporelle pour en comprendre les mécanismes de contrôle, tout en définissant une base de données qui deviendra une base de référence pour caractériser l’évolution future de ces trajectoires temporelles.

Au cours de la période 2018-2023 un des efforts de l’OHM a porté sur l’étude de la qualité chimique des eaux et des sédiments du Rhin de Bâle à Neuf-Brisach (villes entre lesquelles se trouve le CNPE Fessenheim) avec un focus sur les teneurs en métaux fortement impactés par les activités anthropiques pour lesquels on peut s’attendre à des impacts des travaux du démantèlement sur leur teneur dans l’hydrosystème.

Ce travail a débuté par deux masters Juxta Rhenum 2018-19 (Hugo Reiller et Louis Huber) complétés par un stage de recherche de master 1 en 2019-20 et par la réalisation de deux thèses conjointes celles de Caline Ly Keng (dir. D. Badariotti, F. Berrod) et de Cassandra Euzen (dir.: L. Schmitt, F. Chabaux, D. Badariotti). Le travail de Hugo Reiller a montré que les teneurs en métaux du Rhin étaient presqu’exclusivement contrôlées par les compositions du Rhin en amont du grand canal et très peu voire pas du tout par les entrants dans le canal entre Bâle et Neuf- Brisach. Aucun impact du CNPE n’est en particulier visible en dehors d’un effet minime sur la température des eaux. Les travaux de Caline Ly Keng montrent par ailleurs que la qualité des eaux du Rhin, analysées à l’entrée du territoire français près de Bâle et à sa sortie près de Lauterbourg, a fortement évolué depuis 1970, marquée par une diminution forte des concentrations en métaux du Rhin, liée en partie au moins à l’évolution des mesures réglementaires mises en place au cours des dernières décennies. Les travaux de Cassandra Euzen montrent l’intérêt des archives sédimentaires, collectées en quelques sites de la plaine (la majorité hors de la zone d’étude Bâle-Neuf Brisach) pour reconstruire les évolutions passées de la qualité des sédiments en métaux fortement impactés par l’activité humaine (Sn-Cu-Zn-Sn-Pb…) sur des périodes dépassant les périodes des suivis hydrogéochimiques. Ces tendances miment les tendances observées pour les concentrations en métaux des eaux- confirmant l’intérêt potentiel des archives sédimentaires pour reconstruire l’évolution passée de la qualité des eaux sur des échelles pluri-décennales.

Objectifs

La combinaison des suivis temporels de la composition des eaux aux analyses sédimentaires, nous permet aujourd’hui de reconstruire une chronique générale de l’évolution de la qualité des eaux et des sédiments du Rhin Supérieur. Ces chroniques sont néanmoins établies pour des sites éloignés de la zone d’étude, sélectionnée dans le cadre de l’OHM Fessenheim.

Il est donc nécessaire de coupler ces suivis institutionnels ou ces analyses de chroniques sédimentaires avec des suivis plus serrés dans la zone d’étude « Fessenheim », pour établir sur quelques années les caractéristiques chimiques de l’hydrosystème rhénan au voisinage du CNPE. L’objectif est de pouvoir disposer d’une base de données sur la composition chimique en éléments majeurs et en éléments en trace des eaux et sédiments du Rhin entre Bâle et Neuf Brisach: (1) pour évaluer comment les tendances long termes que l’on a mis en évidence à l’échelle régionale peuvent être extrapolées à notre site d’étude, (2) pour mieux comprendre pour les principaux métaux fortement impactés par l’activité anthropique la relation qui peut exister entre leur concentration dans les eaux et les sédiments et donc mieux utiliser les enregistrements en métaux des sédiments pour reconstruire l’évolution de la composition chimique des eaux sur des échelles de temps pluri-décennales et (3) pour définir en final une stratégie de suivi moyen à long termes des sédiments et eaux du Rhin que l’on proposera de mettre en place dans le cadre de l’OHM.

Il nous semble en effet important de mettre en place un tel suivi dans la zone géographique sélectionnée si l’on veut caractériser et comprendre l’évolution future de la composition chimique de l’hydrosystème rhénan et évaluer dans le futur les principaux paramètres qui pourront l’affecter que ce soit l’impact direct du démantèlement de la centrale, un impact indirect dû à l’évolution du socio-écosystème que le démantèlement du CNPE induirait ou par des évolutions sans lien avec le démantèlement du CNPE. A ce stade nous ne pouvons faire aucun postulat sur un rôle possible ou non du démantèlement du CNPE Fessenheim sur l’hydrosystème sur lequel il est installé. Ce que nous proposons de mener dans le cadre de l’OHM constituera certainement une des premières études qui permettra d’apporter des éléments d’information pour répondre à cette question.

Concernant le point 1 : nous avons montré (master H. Reiller) sur la base de deux campagnes d’échantillonnages que la composition des eaux dans le grand canal du Rhin était essentiellement contrôlée par leur composition en amont du grand canal (c’est-à-dire à la sortie de la ville de Bâle) et très peu ou pas durant leur trajet jusqu’à Neuf Brisach (à la différence de ce qui est observé dans le vieux Rhin). Nous devons discuter ce point pour d’autres périodes hydrologiques.

Pour le point 2 nous proposons de comparer les compositions chimiques en métaux des sédiments et des eaux pour définir les relations possibles entre elles. C’est indispensable pour mieux interpréter les variations observées dans les archives sédimentaires en termes de variations de la qualité des eaux associées.

Méthodologie

Nous proposons pour ce projet de reprendre la stratégie d’échantillonnage mise en place en 2018-19 pour le Master de Hugo Reiller : il s’agit d’un échantillonnage d’eau entre Bâle et Neuf Brisach à la fois le long du Vieux Rhin et du Grand Canal, en encadrant par des prélèvements amont et aval les principaux affluents et infrastructures qui s’y trouvent (zone industrielle de Chalempée, barrage hydroélectrique, CNPE Fessenheim, rejets des stations d’épuration et du saumoduc..).

Nous combinerons ces analyses avec la collecte de matières en suspension et pour deux périodes de l’année des dépôts de berges /crues qui pourront être récupérées. Ces collectes sédimentaires sont prévues pour quelques sites uniquement (2 ou 3 maximum).

Les eaux seront filtrées et analysées au laboratoire ITES. Les sédiments récupérés (par filtration ou décantation pour les MES) seront quant à eux séchés avant d’analyser leur composition minéralogique et chimique aux laboratoires d’analyses d’ITES. Leur granulométrie et leurs teneurs en matière organique seront également analysées au laboratoire d’analyse des sols du LIVE/EOST. Cette caractérisation est importante pour apporter de premières indications sur la nature des phases porteuses des éléments chimiques impactés par l’activité anthropique dans les sédiments du Rhin.

D’un point de vue échantillonnage et analyse il n’y a aucune difficulté qui pourrait gêner la
réalisation du projet.

Nous prévoyons 6 campagnes d’échantillonnage sur 2 ans pour couvrir une assez large gamme de contexte hydrologique. Les sédiments ne seront collectés que dans deux ou trois sites : l’objectif est d’évaluer leur variabilité temporelle et les liens de ces variabilités avec les paramètres hydrologiques du Rhin et les variations géochimiques des eaux. Nous sommes conscients qu’une partie des variabilités chimiques des eaux peut être due à la présence de phases colloïdales. L’importance de ces phases pourra être évaluée par le dosage d’éléments comme le fer, l’aluminium et/ou par le dosage du carbone organique dissous. Si c’était le cas des études ultérieures pourront être envisagées pour préciser davantage le rôle de ces colloïdes sur le transport des métaux qui nous intéressent ; cela constituerait néanmoins un autre projet.

En combinant les données acquises dans ce projet aux données obtenues dans le cadre des masters 2018-19 au cours desquelles deux campagnes d’échantillonnage ont été faites, nous disposerons d’une base de données qui permettra d’évaluer de possibles variations sur 5-6 ans au voisinage du CNPE Fessenheim. Ces résultats seront comparés aux données moyens et long termes compilées par Caline Ly Keng et qui seront complétées au cours de ce travail pour la période 2020-2025 à partir des suivis institutionnels faits en amont de notre zone d’étude. Ce travail se fera en partenariat avec les collègues qui ont dirigé la thèse de Caline Ly Keng (D. Badariotti et F. Berrod).

Résultats attendus

Les principaux résultats attendus sont les suivants :

  • Pour l’étude des eaux, les résultats permettront de discuter si le grand canal se comporte comme un « simple » conduit d’eaux sans entrainer de modification majeure de leur composition chimique au cours de leur transport. Si c’est le cas les suivis historiques faits au niveau des stations d’analyses, en amont du grand canal, pourront être prises comme références pour le grand canal au niveau de Fessenheim : sinon il conviendra de préciser les lois d’évolutions de ces compositions en fonction du régime hydrologique du Rhin entre les deux sites.
  • Nos résultats permettront aussi d’évaluer si les variations définies dans la thèse de Caline Ly Keng à partir des suivis institutionnels en amont de notre site d’étude sont cohérentes avec les variations définies pour la période 2018-2025. Si ce n’est pas le cas nous évaluerons quelles pourraient être la cause de ces changements (modifications réglementaires- modifications du tissu socio-économique de la région amont..). De même si l’on fait apparaitre des différences dans les tendances des variations chimiques obtenues au cours de notre étude entre les sites d’étude amont et notre zone d’étude nous les discuterions en recherchant à une échelle plus locale les modifications des paramètres socio-économiques /réglementaires qui pourraient les expliquer ;
  • Pour les sédiments, nos résultats constitueront une première base de données pour caractériser
    les variations des compositions chimiques des sédiments et leurs relations éventuelles avec celles des eaux. Ce sera une première information pour discuter de la façon dont les variations chimiques des concentrations en métaux en trace dans les sédiments peuvent être utilisées pour remonter aux variations dans les eaux. Cela ouvrira certainement à des questions qui nécessiteront des études plus poussées sur la nature des phases porteuses des métaux dans les sédiments, qui dépassent évidemment le cadre du projet.
  • L’ensemble des données devrait permettre de définir une stratégie d’observation de l’hydrosystème rhénan (eaux-sédiments) au voisinage du CNPE pour caractériser son évolution future et en comprendre les principales causes. Cette réflexion se fera en étroite relation avec les acteurs en charge du suivi du site de Fessenheim que ce soit EdF ou l’IRSN avec lesquels nous sommes aujourd’hui en contact.

Notre objectif dépasse l’étude du simple impact environnemental de la reconversion du site du CNPE sur la qualité des eaux et des sédiments du Rhin : Nous cherchons à décrypter l’ensemble des facteurs du socio-écosystème Fessenheim qui pourraient impacter la composition géochimiques des eaux et sédiments du Rhin et dont les modifications pourraient expliquer les variations temporelles que l’on observe/observera – la fermeture du CNPE Fessenheim est évidemment un de ces paramètres/facteurs- mais à ce stade son influence sur les évolutions passées ou à venir de ces compositions ne peut nullement être anticipée. Ce sera un des intérêts de ce projet d’apporter de premiers éléments d’information et de réflexion sur ce point spécifique.

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