Détails du projet

États des lieux des territoires du démantèlement des sites de production d’énergie nucléaire en France

Lauréat
APR 2024
État du projet
En cours
Porteur
Valentine Erné-Heintz & Éric Maire
Unités
LIVE UMR 7362 - UNISTRA | CERDACC UR 3992 - UHA
Budget
6500 EUR
Discipline(s)
Institutions, gouvernance et systèmes juridiques, Le monde social et sa diversité, Mobilité humaine, environnement et espace
Mots-clés
Démantèlement, centre nucléaire de production d’électricité (CNPE), entretiens semi-directifs, enjeux locaux, territoire

À l’aune du retour de l’atome dans les politiques énergétiques européennes et nationales, il convient également de réaliser une évaluation comparative du démantèlement des centrales nucléaires civiles les plus anciennes en France. Dans ce travail de recherche l’objectif est de réaliser une étude régionale des démantèlements déjà en œuvre en France en analysant les trois terrains d’étude suivant : Brennilis dans le Finistère, Chooz 1 dans les Ardennes et Fessenheim en Alsace. La fermeture de chaque centrale a forcément eut des effets sur le socio-écosystème local, tant au niveau environnemental qu’au niveau social, économique, énergétique et politique, sur des temporalités et des échelles spatiales variées. Pour comprendre toutes ces logiques à l’échelle de ces territoires, nous réaliserons des entretiens d’une part auprès des personnels concernés des centrales et d’autre part auprès des acteurs locaux, des élus et des citoyens à proximité.

Motivations

La principale motivation consiste en une prise de recul, et en une mise en perspective de la l’impact de problématique de la fermeture de Fessenheim, et de son démantèlement, sur son socio-éco-système. Cette mise en perspective permettra de jalonner nos observations, et à terme nous aidera à mieux structurer notre observatoire et ses principaux angles d’observations, et de lecture de notre objet focal.

Cadrage

La fermeture, suivie du démantèlement de la plus vieille centrale du parc nucléaire civil français, celle de Fessenheim, a été enclenchée par l’alliance entre le parti écologiste et le parti socialiste, lors de la course à l’Elysée de 2012. La fermeture sera définitivement actée et mise en œuvre par son successeur, Emmanuel Macron ; elle deviendra effective à partir de janvier et de juin 2020, avec l’arrêt des deux tranches de la centrale. Ces décisions constituent le point 0 des opérations de démantèlement qui s’ensuivront.

Or, si Fessenheim est bien la dernière centrale nucléaire civile à être engagée dans un processus de démantèlement, elle n’en est pas la première. Avant elle, deux autres centrales civiles, celle de Brennilis et celle de Chooz, en Ardennes ont fait l’objet d’une décision de démantèlement par le passé.

Brennilis (75 MW) est un réacteur civil expérimental à l’eau lourde, mis en service en 1967 et arrêté en 1985. Il s’agit de la toute première centrale nucléaire civile à être engagée dans un processus de démantèlement total, l’option de transformer la centrale arrêtée en mausolée, comme pour celle de Chinon – EDF1, arrêté en 1973 – qui fut transformée en musée : « la boule », ayant été rejetée. Ce processus a été long à se mettre en place, du fait de sa nouveauté : mise à l’arrêt en 1985, son démantèlement ne démarrera finalement qu’en 1997, la dernière phase de démantèlement n’ayant été engagée que très récemment, en 2023.

Chooz A (305 MW), mis en service en 1967 et arrêté en 1991, est le premier réacteur de type nucléaire à eau pressurisée (comme Fessenheim) à avoir été mis en service en France, et également le premier à être en cours de déconstruction. Le combustible est évacué de 1993 à 1995 et le démantèlement n’est lancé qu’en 2001, l’opération se révélant très complexe du fait du site du réacteur, dans une grotte à 150m sous terre. Là aussi le démantèlement a mis du temps à se mettre ne place, du fait de la localisation des installations, le démantèlement de la cuve n’ayant pu se faire qu’en 2021 (alors qu’il était prévu pour 2015). Aujourd’hui l’ultime phase de ce processus de démantèlement est enfin engagé.

Aussi, à l’heure du retour en force de l’atome dans les politiques énergétiques européennes et nationales, il n’en reste pas moins que le parc électronucléaire français vieillit : vingt réacteurs vont changer de décennie et seront soumis à un nouvel examen de sûreté puisque selon le code de l’environnement, l’exploitant d’un site nucléaire doit, tous les dix ans, procéder à un réexamen de la centrale afin de vérifier sa conformité et de contrôler le vieillissement des installations. Cette relance du nucléaire relance également la question du démantèlement avec en filigrane, celles du devenir du site et de la gestion des déchets. Ces déchets, c encombrants, gênent les opérations de démantèlement car on ne sait que faire pour s’en défaire.

Si le débat des seuils de libération et, plus exactement, la capacité à s’insérer dans une dynamique d’économie circulaire se construira autour d’un « résidu-ressource », le récit autour de cette circularité n’est en réalité rien d’autre qu’une façon de réfléchir à la fin du cycle nucléaire, d’imaginer le futur à l’aune de la promesse technologique.

Aussi, l’objectif de ce projet de recherche est de réaliser un inventaire comparatif des démantèlements déjà en œuvre en France en analysant les trois terrains d’étude suivant : Brennilis dans le Finistère, Chooz 1 dans les Ardennes et Fessenheim en Alsace. A Brennilis, l’histoire industrielle s’est transformée en un musée dédié à l’énergie nucléaire (à l’instar du site en plein cœur de la Bretagne). Elle permet de se souvenir, de (re)construire un récit, de réfléchir au contenu de la mémoire et à la trace du passé. Sur le site de Chooz, un nouveau réacteur a été installé, réaffirmant l’identité nucléaire du site. Fessenheim voit une volonté politique d’assoir sa trajectoire dans les énergies décarbonées.

Autrement dit, l’objectif de cette recherche est de mettre en miroir les trois sites de Brennilis, de Chooz A et de Fessenheim pour dresser un premier bilan socio-économique et territorial de la fermeture et du démantèlement d’une centrale, pour éclairer l’actualité mais aussi le futur du site de Fessenheim.

Objectifs

La combinaison de l’étude de ces trois sites de centrales en démantèlement permettra de dresser un tableau comparatif de trois objets socio-territoriaux, présentant un éventail contrasté de situations. En effet, il s’agit de trois CNPE basés sur des technologies différentes, pris à des stades d’évolutions différents (démantèlement abordé / Fessenheim, engagé / Chooz A, et parachevé/ Brennilis), et localisés ans des contextes territoriaux et géographiques contrastés (Alsace, Ardennes, Bretagne). On pourra ainsi jouer sur les variables technologie, état d’avancement (temps) et localisation (espace), et leur combinatoire pour effectuer cette comparaison.

Un des thèmes de l’étude sera d’’essayer de déterminer comment la fermeture et le démantèlement a contribué à réorienter le développement de chaque zone d’un point de vue humain et environnemental. La fermeture de chaque CNPE a forcément eut des effets sur le socio-écosystème local, tant au niveau environnemental qu’au niveau social, économique, énergétique et politique, sur des temporalités et des échelles spatiales variées qu’il sera intéressant d’essayer de cerner.

Modifications des ressources et écosystèmes « naturels », transformations du bassin d’emplois, répercussions sur le foncier et l’immobilier, incidences paysagères, perte de ressources économiques et fiscales, impacts sur la transition énergétique du territoire alsacien, etc. La liste des impacts possibles, dont nous pourrons discuter, est longue.

L’objectif est de constituer un verbatim de la fermeture et du démantèlement sur chaque site, collecté auprès de différents acteurs territoriaux et de la centrale, afin d’y recherche convergences et divergences, les points communs, servant à éclairer ce qu’il y a de commun, d’universel, dans l’impact de ces opérations, et les divergences pouvant éclairer les effets de sites ou de technologie.

Méthodologie

Nous proposons pour ce projet de nous déplacer sur chaque site, en emmenant une délégation de collègues (4 à 6 personnes, à déterminer), et à procéder à des interviews de personnalités de la centrale (direction et/ou ses représentants : et personnels), et des acteurs.

L’entretien pourra comporter 2 volets :

1) Du point de vue du personnel concerné des centrales aussi bien en activité ou à la retraite par ces 3 sites ayant fait l’objet de démantèlement. Nous pourrions également interviewer des personnels d’autres centrales EDF n’ayant jamais fait l’objet de démantèlement complet (Bugey par exemple) ou Chinon, la première centrale arrêtée et muséifiée) afin d’avoir une vision plus globale du processus.

2) Du point de vue des acteurs locaux, des élus et des citoyens à proximité, il faudra compter 2 jours de terrain par site, un pour la centrale, et un pour les habitants et élus, la même délégation étant invitée à se présenter sur chaque site, pour éviter les distorsions d’interprétation et/ou de collecte.

Les entretiens se feront sur la base d’un guide d’entretien, qui sera réalisé au préalable – assorti de questions ouvertes. L’analyse de ces données textuelles fera référence tant à la Q-analysis (mise en évidence de convergences, de « vérités » de groupe) qu’à l’analyse Delphi (mise en évidence de singularités dans le verbatim).

En parallèle des données géographiques, et socio-économiques de base seront collectées sur chaque site auprès de l’Insee (démographie, emploi, stratification sociale) et des collectivités (foncier, données de développement) pour mettre en perspective les éléments déjà collectés, à savoir l’histoire de chaque site, et le verbatim de ses acteurs.

Résultats attendus

Les principaux résultats attendus sont les suivants :

  • Identification de points communs (supposés « universels ») entre des sites pourtant différents du point de vue de la géographie, de la technologie et de la temporalité
  • Identification de points spécifiques, qu’on tentera de rattacher à la géographie, à la technologie et/ou à la temporalité
  • Elaboration d’un tableau scénarisé de l’impact du démantèlement sur le socio-écosystème de Fessenheim, à la lumière des sites dont le démantèlement est plus avancé
  • Proposition de points d’attention pour le démantèlement de futures installations nucléaires civiles au cours des 2 prochaines décennies
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