Détails du projet

FER du sol une source d’énergie : une géo-photochimie

Lauréat
APR 2024
État du projet
En cours
Porteur
Richard Welter
Participants
Thierry Perrone | Eric Pelt | Baptiste Schehr
Unité
ITES UMR 7063 - UNISTRA
Budget
6000 EUR
Discipline(s)
Chimie physique et analytique, Chimie de synthèse et matériaux, Génie des produits et des procédés, Sciences du système terrestre, Génie des matériaux Biologie environnementale, écologie et évolution
Mots-clés
Énergie, biomimétisme, fer, photo réduction, géochimie, stockage d'énergie, sols

Le projet pour lequel je sollicite un soutien financier dans le cadre de l’appel à projet OHM Fessenheim est en lien avec les phénomènes de photo réduction des ions Fe3+ en Fe2+ dans des composés minéraux issus des sols. L’enjeu consiste, dans le cadre d’une approche géochimique, à mieux comprendre et à maitriser la photo réduction d’espèces ferriques et ce faisant d’accéder à la possibilité de stockage d’énergie solaire (sous forme de Fe2+ moléculaire) directement dans les milieux naturels – les sols, et à grande échelle, à l’instar du monde végétal (stockage de l’énergie solaire en énergie chimique dans les plantes). L’objectif principal de ce projet est de comprendre les mécanismes de cette photo-réduction que nous avons observé pour des sols riches en Fe2O3 en milieu acide et riche en ions chlorure. A partir d’échantillons de sols riches en Fe2O3, nous souhaitons caractériser le processus de photo réduction par voltampérométrie cyclique et ainsi que l’établissement des structures moléculaires mise en jeu (Fe+III et Fe+II), en particulier par diffraction des RX sur monocristaux.

Motivations

Ce projet entre dans le champ de l’innovation des sources d’énergie d’avenir à partir des connaissances en chimie moléculaire, dans une démarche transdisciplinaire et bio-inspirée. À la suite de l’approche fondamentale décrite, des alternatives pouvant constituer des technologies de rupture seront proposées (piles photochimiques par exemple). Le vaste domaine de la géochimie, richement représenté au laboratoire ITES, doit nous permettre de lever les verrous du changement d’échelle (laboratoire vers les sols) pour la mise au point de géo-piles.

Cadrage

Le projet est en lien avec les phénomènes de photo réduction des ions Fe3+ en Fe2+ dans des composés issus des sols. L’enjeu consiste, dans le cadre d’une approche géochimique, à mieux comprendre la photo réduction naturelle – par comparaison avec le travail de chimie moléculaire fondamentale fait dans mon équipe de recherche précédemment (1) – et par la suite la possibilité de stockage d’énergie solaire (sous forme de Fe2+ moléculaire) à grande échelle, à l’instar du monde végétal (stockage de l’énergie solaire en énergie chimique dans les plantes).

Les structures électroniques particulières des métaux de transition (avec leur cortège d’électrons d) en font des éléments centraux dans la compréhension, au niveau moléculaire, des échanges chimiques et électroniques (2). De ce fait, ils sont directement impliqués dans la synthèse ou la catalyse de la génération d’hydrogène dans le manteau terrestre (3) ou le stockage d’énergie électrique sous forme, par exemple, de Fe+II (4). Ce dernier point constitue l’objectif principal de notre projet global à moyen terme, à savoir l’élaboration de ‘géo-piles’ électrochimiques, potentiellement associé à la génération d’hydrogène.

La demande faite dans cet appel d’offre vise à soutenir l’approche fondamentale de la photo-réduction à partir d’oxydes de fer naturels (ou équivalents), issus de sols riches en espèces ferriques. Pour cela, nous nous appuierons sur notre expertise issue des travaux réalisés1 dans l’équipe DECOMET de l’Institut de Chimie de Strasbourg et qui concernait la mise en évidence de photo-réduction de complexes ferriques de coordination qui se photo réduisent rapidement à la lumière naturelle en complexes ferreux, en restant stable dans leur milieu (solution de N,N diméthylformamide) sous forme de complexes ferreux. Ces espèces (Fe+III et Fe+II) ont été totalement caractérisés mais les mécanismes de la photo-réduction restent non élucidés à ce jour. Ces travaux avaient permis l’émergence d’une thématique sur le stockage d’énergie solaire dans ces complexes de fer (une start-up, une thèse financée par la Région Alsace, un brevet international et plusieurs publications) et l’élaboration de cellule solaire à colorant1 en collaboration avec l’université de Nancy. Après notre brevet publié en 2009, les complexes ferriques et ferreux moléculaires ont connu un intérêt grandissant comme catalyseur photosensible. L’exemple le plus impressionnant est la mise au point de catalyseurs ferriques permettant la transformation, à la lumière naturelle, de CO2 en méthane (5) ! Il est à noter que plusieurs études concernant la photochimie du fer dissous dans les milieux aquatiques (6) ont été publiées ces dernières années et les processus de photo-réduction y sont décrits qualitativement. Ces études montrent que la photo-réduction de Fe+III et Fe+II existe bel et bien dans la nature et explique en partie la présence et le rôle majeur des composés ferreux dans la zone critique. La nature a ainsi créé les substrats moléculaires pour la conversion et le stockage d’énergie solaire sous de nombreuses formes différentes. Ce projet ambitionne d’imiter le vivant dans ce que nous offre de diversité les interactions chimiques dans les sols.

Origine du projet, premiers résultats et objectifs

À la suite de nos travaux de chimie fondamentale sur les complexes ferriques et ferreux précités (1,4), nous nous sommes demandé si de tels phénomènes pouvais être observés ou générés à plus grande échelle. Naturellement, nous avons porté notre attention sur les sols riches en oxydes de fer. Sur un affleurement ferrique à Mittelgergheim (67140), nous avons observé une différence de potentiel électrique (environ 0,5 volt) entre la surface et environ 1 mètre de profondeur. Sans conclure sur l’origine de cette différence de potentiel, cette observation nous a motivé à prélever quelques kilogrammes de ces sols et nous avons mené les premières expériences de photo-réduction au laboratoire, à l’état solide et en milieu HCl/DMF. Dans les deux cas, nous observons une réduction d’une partie des composés ferriques en composés ferreux (dans le cas du solide, en surface seulement, la partie illuminée). De plus, nous avons détecté une production de dichlore gazeux dans cette photo conversion impliquant les oxydes ferriques en milieu riche en ions chlorures, signature d’une probable séparation de charges telle que schématisée sur la réaction :

Fe2O3 + 6 HCl -> 2 FeCL2 + Cl2(g) + 3 H20 (dans une solution à base de N,N DiméthylFormamide)

Les charges qui se séparent lors du processus de photo-réduction sont d’une part Fe+III à Fe+II (la réduction) et d’autre part Cl -> 1/2Cl2 (oxydation). Cette observation est importante car elle implique la possibilité de réaliser un dispositif chimique à séparation de charges qui imite le procédé physique connu sous le nom générique de photovoltaïque. C’est l’objectif à long terme de ces recherches.

Comme le montre les courbes Intensité-potentiel ci-dessus, les systèmes envisagés sont rapides, comme ceux mis en évidence avec les complexes moléculaires dithiolane (4). Ces premiers résultats sont prometteurs en vue du stockage de l’énergie et l’élaboration de piles photochimiques.

L’objectif de la première étape de ces recherches – le présent projet – est de montrer la faisabilité de notre approche basée sur la photo réduction des composés ferriques (Fe+III) issus des sols, à partir de l’exposition diurne au spectre solaire. Nous devrons définir les conditions de la stabilité des composés ferreux (Fe+II) une fois générés dans un environnement potentiellement oxydant. Dans le cadre de cette demande, nous voulons donc focaliser nos efforts de recherche sur la compréhension des mécanismes de la photo réduction. Nos premières observations montrent une conversion quasi-totale des composés ferriques en composés ferreux dans des solvants de type DMF et en milieu acide riche en ions chlorures (HCl). Ces réactions sont comparables à celles mise en évidence pour les complexes moléculaires à ligands salicyloylhydrazono dithiolane (4).

Avant cela, il nous faut caractériser complètement les réactifs, les produits et le milieu réactionnel afin de garantir la séparation des charges (Fe3+ -> Fe2+ d’une part et Cl -> Cl2 d’autre part) sans quoi le dichlore gazeux oxyderait immédiatement le Fe+II formé. Notre expertise en chimie minérale et moléculaire nous permettra de mener à bien ces investigations. Elles seront complétées par des mesures électrochimiques en milieu confiné (avec ou sans O2 par exemple). Ce travail électrochimique sera mené en collaboration directe avec l’équipe du professeur Laurent Ruhlman (et son équipement adapté) de l’Institut de Chimie de Strasbourg.

Enfin, les deux collègues géochimistes de mon institut (les professeurs Anne-Désirée Schmitt et François Chabaux) qui collaborent à ces recherches, vont nous permettre de choisir et d’analyser d’autres échantillons de sols riches en composés ferriques, en amont des expériences de photo-réduction qui seront réalisées au laboratoire.

Méthodologie

Les principales étapes du projet seront :

  • Sélection cinq types de sols riches en composés ferriques et les analyser.
  • Réaliser les expériences de photo réduction en conditions de laboratoire (nous possédons un simulateur solaire) et en lumière naturelle extérieure.
  • Les tests de photo réduction seront menés en faisant varier :
    • Les solvants
    • Le pH
    • La concentration
  • Analyses chimiques complète avant et après photo-réduction : spectrométrie de masse, détection et analyse des gaz émis lors du process photochimique, diffraction sur monocristaux et/ou échantillons pulvérulents, mesures électrochimiques.
  • La détermination des structures cristallines sur monocristaux sera une étape importante de ces recherches car elles doivent permettre de comprendre les mécanismes mis en jeu.

Références

(1) Brevet: Method and device for producing and storing energy, WO 2009/130562 A1, R. Welter.
(2) Danopoulos, A, N-Heterocyclic Carbene Complexes of Copper, Nickel and Cobalt., Chem. Rev., 2019, 119
(3) Marcaillou, C., Munoz, M., Vidal, O., Parra, T. and Harfouche, M., 2011. Mineralogical evidence for H2 degassing during serpentinization at 300°C/300bar. Earth and Planetary Science Letters, 303(3): 281-290
(4) Welter, R et al., Synthesis and magnetic properties of new mono- and binuclear iron complexes with salicyloylhydrazono dithiolane ligand, Inorganic Chemistry, 2008, 47(17), 7623-7630
(5) Heng Rao, Luciana C. Schmidt, Julien Bonin, Marc Robert, Visible light driven methane formation from CO2 with a molecular iron catalyst. Nature, 548, pages 74–77 (2017)
(6) Ulf Lueder, Bo Barker Jorgensen, Andreas Kappler and Caroline Schmidt, Photochemistryy of iron in aquatic environments. Sci.:Processes impacts, 22, pages 12-24 (2020)

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